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Qu'est-ce qu'une accompagnante à la conception ?

March 23rd, 2015

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Doula de fertilité ou d'infertilité ?

Winter 2013/14

Que peut-elle offrir aux couples qui espèrent un bébé ?

 

par Katia Petitclerc, NA-4157

Naturothérapeute, Accompagnante

 

Notre parcours en procréation médicalement assistée a débuté en octobre 2011, alors que nos tentatives de concevoir naturellement notre premier enfant, amorcées en 2008, semblaient vaines. À ce moment, mon conjoint et moi avons littéralement plongé dans une aventure que nous étions loin d’imaginer aussi éprouvante, physiquement et psychologiquement. Les traitements ont mis notre couple à rude épreuve. Il s’est créé une sorte de malaise au sein de nos familles, de nos cercles d’amis et de nos milieux de travail. Nous nous sommes rapidement sentis isolés et laissés à nous-mêmes, enchaînant les rendez-vous, les tests et les piqûres, sans trop savoir ce qui allait suivre et ni connaître les ressources disponibles. 

 

Après plusieurs inséminations artificielles, nous avons choisi de nous lancer dans les traitements invasifs qu’implique la fécondation in vitro. C’est à ce moment, à l’hiver 2012, que j’ai découvert l’univers des doulas…

 

Qu’est-ce qu’une Doula – accompagnante à la naissance ? Mot d’origine grecque, « doula » signifie « esclave ». Traditionnellement, il s’agissait d’une femme « au service » d’une autre femme et qui, durant l’accouchement, veillait à son confort, proposait des moyens pour aider à l’avancement du travail, offrait son aide durant les relevailles, et ainsi de suite. Ce rôle était souvent joué par une proche parente : mère, sœur, cousine… Aujourd’hui, au Québec, l’accompagnante à la naissance est toujours au chevet de la parturiente, mais elle offre également des cours prénataux, aide le futur papa à être davantage en confiance et outillé au moment de la naissance, offre des services et ateliers en période postnatale, etc. Si la quasi-totalité des accompagnantes à la naissance ont suivi une formation de base, plusieurs choisiront de parfaire leurs connaissances sur différents sujets touchant à la périnatalité :

 

• Utilisation du ballon de naissance ;

• Aide à l’allaitement ;

• Herboristerie de la femme enceinte et allaitante ;

• Atelier de portage ;

• Massage de la femme enceinte et en travail… 

 

Chacune y va en fonction de ses intérêts pour garnir son bagage personnel et professionnel! Toutefois, ce qui fait véritablement la valeur inestimable d’une accompagnante demeure sans contredit sa capacité d’être à l’écoute des couples qu’elle accompagne, de les informer des différents choix qui s’offrent à eux et ce, de la grossesse jusqu’à la naissance et au-delà. Elle les guide afin qu’ils exploitent leurs propres outils et ressources leur permettant de rendre l’expérience de l’accouchement à leur image, qu’ils en conservent un sentiment de satisfaction et que l’événement soit vécu le plus positivement possible.

 

Je vous imagine lisant ces lignes et vous demandant pourquoi, alors que je découvrais les joies des injections quotidiennes en vue de ma première ponction ovarienne, j’ai choisi de me joindre à ces femmes qui assistent à l’émergence même de la vie? Qu’est-ce qui pouvait bien m’inciter à ce point à vouloir accompagner des femmes vivant un rêve qui pour moi demeurait inatteignable, celui de porter et de donner la vie? Je vous répondrai tout bêtement qu’à ce moment je l’ignorais moi-même. J’étais simplement attirée par cette vocation. Je voyais une telle grandeur d’âme, une capacité d’écoute, une unicité et un esprit si ouvert chez ces bouts de femmes que j’ai souhaité découvrir leur univers. Si jamais je me trompais et que ce monde n’était finalement pas pour moi, je me disais que le bagage théorique acquis allait sans doute me servir pour mes propres grossesses et accouchements futurs ! 

 

Par la suite, plus j’ai découvert les facettes de ce métier passionnant, plus j’ai pris conscience que le combat mené par plusieurs couples qui mettraient leur enfant au monde était semblable, de plusieurs points de vue, à celui vécu par les couples se questionnant sur leur fertilité ou éprouvant des difficultés à concevoir :

 

• Le manque d’informations (ou des informations souvent contradictoires) ;

• Le manque de soutien et de ressources ;

• Les nombreuses questions et sujets tabous ;

• Chaque membre de la famille qui y va de son conseil ou dépeint sa propre expérience ;

• L’appréhension, la crainte de l’inconnu ;

• Un intérêt grandissant pour les alternatives à ce qui est proposé par la médecine moderne ;

• Une vision et un vécu différents pour l’homme et pour la femme ;

• L’impression de perdre le contrôle de son corps et de sa vie ;

• Le sentiment de n’être qu’un corps et que les émotions ne sont pas prises en compte par le personnel hospitalier ;

• L’impression d’être brimé dans son intimité, sa pudeur, son identité…

 

Je me suis dit alors : pourquoi un couple désirant se lancer dans l’aventure d’une grossesse ou éprouvant des difficultés à concevoir ne pourrait-il pas lui aussi bénéficier des services d’une personne qui serait disponible et à l’affût des ressources existantes, qui accompagnerait le couple et l’aiderait à y voir plus clair lorsque bébé se fait attendre? Une personne qui posséderait un certain bagage pour aider ces personnes à mettre toutes les chances de leur côté afin d’obtenir une grossesse naturelle. Parmi les outils utilisés :

 

• Donner de l’information en lien avec l’alimentation et un bon régime de vie en général ;

• Enseigner la méthode symptothermique pour mieux cibler la période fertile du cycle de la femme ;

• Posséder et partager des connaissances en herboristerie, homéopathie, yoga, reiki…

 

Également l’expérience ou, à tout le moins, la sensibilité nécessaire lui permettant de comprendre et d’accompagner un éventuel processus de procréation médicalement assistée. 

 

Cette réflexion m’a amenée à comprendre tout l’impact que cela aurait si chaque couple avait la chance d’avoir accès à une doula, dès la période de préconception. Non seulement le sentiment d’isolement serait beaucoup moins omniprésent, mais il leur serait d’autant plus facile d’obtenir des réponses à leurs questions, de connaître l’éventail des choix disponibles, d’avoir en main de la documentation sur la médication et les effets secondaires, les méthodes alternatives à la procréation médicalement assistée, etc.

 

Plus je poursuivais ma formation, parallèlement à notre première tentative de FIV, plus je devenais convaincue de la pertinence de la présence d’une accompagnante à nos côtés. Par exemple, lorsque nous avons reçu notre premier appel d’une infirmière pour nous annoncer que nos embryons n’avaient pas survécu et qu’il n’y aurait pas de transfert, comme j’aurais aimé que nous puissions à ce moment avoir une personne ressource, une doula, disponible pour nous écouter, nous encourager et nous apprendre que cet essai ne comptait pas parmi nos trois essais subventionnés ; qu’elle prenne le temps de nous expliquer pourquoi le transfert ne pouvait avoir lieu ! Seulement le fait de savoir que nous avions accès à quelqu’un qui comprend et est prêt à nous écouter à tout moment aurait été d’un réel secours…

 

Autre situation : notre premier test de grossesse négatif. Comment vous décrire le sentiment de vertige, d’impuissance et de colère qui nous a alors submergés? Ce moment douloureux où tout s’arrête, où les mots nous manquent, n’aurait-il pas été un peu adouci par la présence réconfortante d’une doula ? Il y a tellement de situations où avoir été accompagné aurait sans doute allégé chacune de ces épreuves…

 

Dernièrement, le ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr. Réjean Hébert, lançait un appel à la population, incitant les organismes et individus interpellés par la question à rédiger un mémoire qui traiterait des enjeux du Programme de procréation assistée au Québec. J’ai sauté sur l’occasion pour participer à l’exercice, avec mes couleurs, et y soulever quelques questions liant l’accompagnante aux couples infertiles. Voici un extrait de ce texte :

 

[…] C’est ainsi que me sont venus les questionnements suivants : Et si les couples éprouvant des difficultés à concevoir pouvaient également bénéficier de ce soutien, de cette écoute ? Si eux aussi avaient besoin qu’une personne, toujours la même, soit présente à leurs côtés pour apprivoiser chacune des nouvelles étapes, au lieu qu’elles leur bondissent dessus d’un seul coup et qu’ils n’aient personne avec qui en discuter ? Si la présence d’une Doula, lors de moments clés de la PMA, pouvait encourager les couples à se détendre, à faire face plus sereinement à la ponction ou au transfert d’un embryon ? Si elle pouvait les aider à démystifier le jargon scientifique, à faire la part des choses, alors que la toile du Web regorge d’informations de toutes sortes, de blogs, et de définitions pas toujours applicables pour chaque cas précis et même contenant des informations erronées ? Si elle devenait un filet de secours à l’annonce d’un nouveau test de grossesse négatif, une épaule sur laquelle s’épancher ? Le parcours serait-il moins ardu ? Les liens du couple seraient-ils davantage renforcés au lieu de s’affaiblir ? Y aurait-il plus de communication dans les familles sur ce sujet tabou, ainsi que dans les milieux de travail, les cercles d’amis ? Et si le fait d’être accompagné, outillé, en favorisant le choix éclairé, permettait de retarder le moment de recourir à la procréation médicalement assistée et de permettre d’abord de tout mettre en place pour favoriser une conception naturelle puis, le cas échéant, de favoriser un dénouement positif suite à un traitement de conception médicalement assistée ? Et lorsque le miracle se produit, ne deviendrait-il pas tout naturel que l’accompagnante poursuive un bout de chemin avec les futurs parents, qu’elle continue son travail de fée marraine auprès de la triade, qu’elle les aide à gérer toutes les émotions des moments passés à tenter d’accéder au rêve ? Car l’avènement d’une grossesse après le recours à la procréation assistée ne rime pas assurément avec grossesse de rêve et ne signifie pas que les événements passés s’effacent d’un seul coup, comme si les épreuves n’avaient jamais eu lieu…

 

Et si une accompagnante pouvait faire la différence sur la manière dont est vécue l’infertilité ?Pourrions-nous assister aux mêmes constatations que lors d’un suivi de grossesse, à savoir moins d’interventions médicales (et donc de coûts) impliquant des complications possibles, moins de désarroi au sein du couple, de dépressions, de sentiment d’impuissance et d’ignorance? Pourrait-on aussi semer, graduellement, de toutes petites pensées sur les facteurs de risque pouvant conduire à l’infertilité ? Serait-il plus facile pour les couples de vivre le jour fatidique où, finalement, l’option choisie est d’envisager une vie sans enfant ?

 

Je n’ai pas à ce jour les réponses à ces questions, seulement le sentiment profond que l’accompagnement peut faire une différence, et je compte bien faire mes propres vérifications sur le terrain ! […]

 

Cette certitude, je la ressens toujours maintenant, à l’aube de démarrer les activités de ma petite entreprise, Kate, Doula! dont l’adage est Dar A Luz, expression espagnole signifiant donner la lumière, mais également donner naissance. En l’entendant pour la première fois, il m’est apparu évident que la formule Dar A Luz devait faire partie de ma pratique, puisque ces trois mots résument parfaitement l’esprit que je souhaite lui donner et ce que je désire apporter aux couples qui croiseront ma route : leur permettre d’avoir en main des outils pour prendre des décisions et faire des choix éclairés, philosophie à la base même de l’accompagnement à la naissance.

 

Dans un autre ordre d’idée, je trouve important de mentionner que je suis loin d’être la seule ou la première à avoir fait le lien entre le métier de doula et l’accompagnement des couples espérant une grossesse. Je me suis aperçue que ce créneau de l’accompagnement attirait quelques-unes de mes consœurs, soit parce qu’elles-mêmes ou des proches éprouvent des difficultés à concevoir, soit parce que d’anciens clients, après une première naissance, ne parviennent pas à avoir d’autres enfants (infertilité secondaire). Nous tentons donc d’échanger sur nos connaissances et expériences respectives afin de rendre notre bagage encore plus complet et diversifié, car il est vrai que les formations en lien direct avec la conception et l’infertilité ne pleuvent malheureusement pas! Une facette de notre travail étant d’accompagner des couples en deuil périnatal, plusieurs choisissent de suivre des formations plus précises en relation d’aide, animation de groupes de deuil, etc. Les outils qui y sont enseignés en sont autant qui peuvent être utilisés auprès des couples infertiles. En effet, qu’il s’agisse d’un couple pour qui l’espoir de concevoir naturellement a disparu, ou qui a vécu un échec de FIV ou une fausse couche précoce, un deuil sera à faire et une aide extérieure pourra s’avérer d’un grand secours. 

 

Quant aux pratiques des accompagnantes en contexte d’infertilité ailleurs dans le monde, je peux seulement affirmer que les ressources semblent déjà plus abondantes aux États-Unis, selon les recherches que j’ai pu effectuer sur Internet. Tel que précédemment mentionné, je n’ai rien inventé! J’ai parcouru un article où il est écrit, en toute simplicité, que si les services d’une accompagnante vous intéressent, il s’agit de s’informer auprès de son médecin en clinique de fertilité pour être référé à cette professionnelle! Il est par ailleurs précisé que les « Infertility Doulas » sont par contre moins nombreuses que les « Pregnancy Doulas »… Comme j’aimerais observer ces références dans les bureaux de médecins, généralistes et spécialistes ! 

 

Nous entendons parler de plus en plus d’accompagnement en fin de vie, à la naissance, en contexte de deuil (périnatal, membre de la famille) et de maladie grave… Est-il si étonnant de voir émerger l’accompagnement dans un contexte de préconception et d’infertilité?

 

À propos de l’auteure

Katia Petitclerc est  accompagnante à la conception et à la naissance. Elle a fondé Kate, Doula! (Dar A Luz… Donner La Lumière!)

 

Quelques ressources et références sur l’accompagnement à la naissance en général et l’accompagnement à la conception :

Association québécoise des accompagnantes à la naissance

http://aqanqad.wordpress.com/pourquoi/

Baby Med : What is an Infertility Doula?

http://www.babymed.com/blogs/summer-banks/what-infertility-doula

Bebo Mia : fertility, pregnancy and parenting

http://bebomia.com/fertility-doulas/

By the moon: « I’m a fertility Doula »

http://www.bythemoon.ca/2013/01/i-am-fertility-doula.html

Fertility Doula

https://www.facebook.com/FertilityDoula

Infertilité Doula

http://www.infertilitydoula.com/Doula/Welcome.html 

Kate, Doula! (Dar A Luz… Donner la Lumière!)

www.katedoula.com

www.facebook.com/DarALuzDonnerLaLumière

Réseau québécois des accompagnantes à la naissance (RQAN) 

http://www.naissance.ca/